Phrase prononcée par Emmanuel Macron ce jour, nul doute que d'un côté, ce 1er Mai ne ressemble à aucun autre mais pour certains dirigeants de mouvements syndicaux, seules les méthodes de réclamations changent mais pas les revendications. Appel à taper dans les casseroles ou manifestations sur les réseaux sociaux pour exprimer son opposition au gouvernement et rappeler, à qui veut bien l'entendre, tout comme Jean-Luc Mélenchon que les 35h ou les congés payés, c'est quand même grâce à eux que ce sont devenus des acquis sociaux intouchables.
Pas de manifestations donc pour la moitié de l'humanité confinée, comme l'indique TV5 Monde, alors, c'est vrai qu'entendre Philippe Martinez, masqué et à distance de sécurité de ses co-manifestants, Place de la Bastille à Paris, dire que c'est comme tous les 1er mai mais paradoxalement exceptionnel a quelque chose de surréaliste. A la question de savoir s'il est pour une reprise du travail, il répond : "Dans le cadre de cette reprise prévue le 11 mai, la priorité devrait aller à la protection. Ce n’est pas la CGT qui le dit mais les scientifiques. Et se protéger, c’est rester à la maison," dans une interview accordée à Ouest France le 30 avril.
Sait-il seulement ce que cela veut dire de ne pas travailler et de pousser à son extrême la politique de protection à tous les niveaux ? A-t-il simplement idée de ce que veut dire 22 millions de chômeurs aux Etats-Unis, un vrai cauchemar économique. "Jamais, dans l'histoire des statistiques du chômage aux Etats-Unis, la courbe des demandes d'allocation n'avait connu une telle envolée. La terrible récession qui a suivi la crise financière de 2008 ne marque qu'une petite bosse comparée au pic vertigineux atteint depuis un mois." Les files d'attente devant les banques alimentaires sont impressionnantes et se comptent par milliers.
© Crédit photo : PATRICK HERTZOG / AFP
Que Philippe Martinez aille faire un tour au Liban, sans allocation chômage, sans régime de retraite et sans rien en fait, même pas du pain pour certains. Près de 75 % de la population vivrait en dessous du seuil de pauvreté. Depuis 2 jours, les manifestants crient leur faim à Tripoli, Saïda ou Beyrouth. Le déconfinement débute mais rien ne va : dévaluation du dollar par rapport à la livre libanaise, fermeture des restaurants et commerces de toutes sortes, salaires minorés ou inexistants, flambée des prix, arrêt de l'économie, paralysie des services publics... la liste est longue. Le mouvement révolutionnaire pacifique commencé le 17 octobre dernier, la "thawra" aura été provisoirement étouffé par le corona et le confinement, le pouvoir comptant sur l'usure du mouvement. Comme le souligne Issa Ghoraïeb, dans L'Orient-le-Jour du 1er mai "Mais quelle ironie plus cruelle, en ce 1er Mai, que de voir les deux spectres de la faim et de la contagion virale flotter, bras dessus bras dessous, sur ce qui est censé être la fête des travailleurs ! Et de quelle fête chômée ose-t-on encore parler quand nul n’a le cœur à la fête ; quand le chômage est au menu de chaque jour que Dieu fait ; quand la seule forme de célébration praticable est une explosion de colère populaire s’étendant aux quatre coins du territoire ?"
Et là-bas, au fond, personne n'a l'esprit à la fête ni "aux chamailleries" de Macron. Aujourd'hui, tout au plus, peut-on avoir des pensées particulières pour ces travailleurs de l’ombre bien qu’ils soient aujourd’hui en première ligne. Qu’ils soient aide-soignant(e)s, infirmier(e)s, éboueurs, caissières, dépanneurs de toute sorte, livreurs… cette journée particulière de 2020 doit leur être spécifiquement dédiés et, un jour, on l'espère prochain, leurs métiers revalorisés. L’histoire dira, comme pour les autres pandémies, combien leur rôle s’est avéré essentiel et combien nous ne les applaudirons jamais assez tant il est vrai qu’ils ont su prendre des risques pour nous soigner ou nous servir. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés aujourd’hui !
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