C'est une gageure de tenter de résumer ce que bon nombre d'acteurs de tous les secteurs ont imaginé pour le monde d'après. Dans cette période inconfortable entre le monde d'avant et celui d'après, il est assez difficile de s'y retrouver.
Mais il y a des mots clés positifs ou négatifs qui reviennent. Celui de la "solidarité" par exemple, comme constante du monde d'après ou de "mondialisation" avec ses avantages et ses inconvénients, tant dans le monde d'avant que dans la réalité de demain.
Il y a évidemment déjà les nostalgiques du monde d'hier, qui ont relu le livre du même nom écrit par Stephen Zweig en pleine Seconde Guerre mondiale, dans son exil brésilien. Il y revient sur le déclin de l’empire austro-hongrois et l’avènement du nazisme, comme le note Jacques-Yves Bellay dans la revue Esprit d'avril 2020. "Zweig écrit Le monde d’hier un an avant de se suicider, par désespoir devant un univers détruit sans retour : il ne croyait pas qu’après le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale, un monde nouveau se lèverait. Devant la menace de mort de la crise écologique que le virus révèle, il nous reste l’espoir que les nouvelles générations trouveront l’énergie intellectuelle et spirituelle, en bousculant les modes de vie, d’obliger les politiques à envisager autrement l’avenir économique et social. C’est loin d’être acquis."
Le "jeune" Charles Consigny, défend lui la mondialisation dans Le Figaro du 8 mai 2010. "Il me semble qu’aucun lien ne peut être fait avec le modèle soi-disant «ultra-libérale» et la pandémie. L’offensive politique en cours est donc non seulement sans fondement, mais elle est même absurde: par exemple, la mondialisation tant décriée a permis une mondialisation de la réponse médicale. Le monde entier s’est coordonné pour répliquer au plus vite à ce virus et trouver des moyens d’endiguer sa propagation et soigner les malades. C’est cette même mondialisation, ce même modèle libéral, qui, outre le fait qu’il a sorti des millions de gens de la pauvreté, permet l’innovation technologique, indispensable à une bonne médecine. Il faut continuer à défendre ce modèle." Etant né en 1989, il est vrai qu'il n'a pas connu autre chose mais a su se faire remarquer dans les médias !
Autre son de cloche pour Philippe Lemoine, toujours dans la revue Esprit d'avril 2020 pour qui notre avenir sera numérique, mais il n'est pas écrit pour autant. Le moment est venu de créer des coalitions capables de lier les enjeux numériques aux enjeux écologiques, et d'ouvrir ainsi de nouveaux possibles. Il écrit : "L’histoire nous l’a appris : même lorsque l’inconcevable se produit, les sociétés humaines sont capables de tourner la page et de repartir comme si de rien n’était. Quoi qu’on en dise et quoi que nous ait promis le chef de l’État, n’en ira-t-il pas de même après la pandémie du coronavirus ? Annoncer que le jour d’après ne sera pas comme le jour d’avant peut relever de ces fables auxquelles les dirigeants aiment se tenir au milieu de l’orage. Sur le coup, tout le monde a envie de les croire. Cela fait tellement de bien de jurer qu’on saura désormais être sobres, solidaires, respectueux les uns des autres. Serments d’ivrogne ! "
Vous pouvez lire d'autres avis dans la très intéressante Revue Esprit, recommandé par ma belle sœur préférée, Annie M. et en accès libre pour les articles sur le Covid 19 : https://esprit.presse.fr/actualites/esprit/covid-19-nos-articles-en-acces-libre-42671
En fait, comme le rappelle France Culture à juste titre, personne ne peut prétendre savoir à quoi ressemblera le monde d’après, si tant est qu’il ne ressemble pas furieusement à celui d’avant la pandémie, mais chacun peut librement imaginer le monde de demain. C’est donc la question que France Culture, en partenariat avec Usbek & Rica, a choisi de poser durant une journée spéciale, le vendredi 24 avril, à de grands témoins du temps présent, écrivains, historiens, philosophes, économistes, biologistes : Imagine... le monde de demain. Chacun y relèvera l'article qui l'intéresse. Moi, j'ai choisi de lire l'article consacré au bisou dont j'ai du mal à assumer la potentielle disparition. "Les bisous ne seront-ils bientôt plus que le souvenir du "monde d'avant" ? Pour Kant, ils révèlent notre insociable sociabilité : ce besoin insupportable d’être avec un autre que soi. Le bisou nous met directement en prise avec l'autre, de manière singulière."
C'est plié pour Michel Houllebeck, "Je ne crois pas une demi-seconde aux déclarations du genre 'rien ne sera plus jamais comme avant'. Au contraire, tout restera exactement pareil", affirme notamment l'auteur d'Extension du domaine de la lutte(1994). Et même, précise-t-il quelques paragraphe plus loin, "nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde; ce sera le même, en un peu pire." France Info, 4 mai 2020
Même son de cloche aux Affaires étrangères : « Ma crainte, c’est que le monde d’après ressemble au monde d’avant, mais en pire », dit Jean-Yves Le Drian. Le ministre des affaires étrangères relève, avec la pandémie, « une amplification des fractures qui minent l’ordre international ». Le Monde du 20 avril 2020
Certains voudront retrouver leurs bonnes vieilles habitudes d'avant le coronavirus, d'autres vivre autrement. Et il y a ceux qui vont passer de la peur de la maladie à la peur du lendemain. Il y a au moins 10 raisons pour lesquelles "le monde d'après" ne sera pas pour tout le monde. "Certains vont vouloir revenir au monde d’avant et être en mesure de le faire. D’autres ne vont pas pouvoir l’envisager, par exemple parce que certains de leurs proches sont décédés ou parce qu’ils ont perdu leur emploi. D’autres encore ne vont plus vouloir entendre parler du monde d’avant, mais ne pourront pas nécessairement passer à autre chose. Enfin, les derniers, eux, auront la possibilité de changer de vie comme ils le souhaitent pour tourner la page du monde d’avant."
Pour Cynthia Fleury, nous sommes entrés dans l'ère de la "bien(sur)veillance" «Confinement : l’humain peut-il et doit-il s’adapter à tout ?» La philosophe et psychanalyste a répondu à aux questions dans un tchat du Monde le 29 avril 2020 «Nos vies confinées».
Si vous ne trouvez pas votre bonheur ou ne vous identifiez à aucune de ces thèses, vous pouvez toujours faire une proposition à un collectif d'organisations dont la Croix Rouge ou WWF qui recueille vos avis puis les restitue et feront voter sur les propositions; C'est en ligne et c'est ici : https://www.inventonslemondedapres.org
Je vous ai laissé le meilleur pour la fin : pour imaginer demain, rien de mieux que les livres d'hier. « Le Monde des livres » a interrogé 40 personnalités de tous horizons, du biologiste Jean Claude Ameisen à la cinéaste Rebecca Zlotowski. Chacun a élu un livre – roman, poème, lettre d’amour, pamphlet ou essai – qui l’aide à imaginer un monde meilleur. Et voici le lien vers le comment en cliquant ici.
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